Lire La Maison des feuilles m’a appris une chose : la forme raconte autant que le fond
Certains livres ne se lisent pas, ils se vivent. Ils vous désorientent. Ils vous happent. Ils vous hantent. Et parfois, ils vous laissent un peu différente.
La Maison des feuilles, de Mark Z. Danielewski, fait partie de ceux-là.
C’est un roman impossible à résumer. Une expérience mentale, un labyrinthe littéraire. Et un chef d’œuvre de forme, sublimé par l’édition de 2022 chez Monsieur Toussaint Louverture.
Une maison plus grande à l’intérieur qu’à l’extérieur
L’histoire de départ est déjà étrange : un homme découvre que sa maison est plus grande à l’intérieur qu’à l’extérieur. Cette anomalie géométrique devient le point de départ d’un récit qui s’enroule, se dédouble, se perd, s’enfonce.
Ce récit est conçu de façon particulièrement originale et singulière : le fond d’une part, et la forme tout autant. Le texte se tord, s’éloigne des marges, chute à la verticale, s’entrelace avec d’autres voix. On tourne le livre dans tous les sens. On lit à l’envers. On se perd dans les annotations, les récits secondaires, les pages vides.
Et petit à petit, on comprend que la forme du livre est l’expérience elle-même. On ressent en lisant le vertige des personnages parcourant les couloirs sombres et infinis de cet espace au cœur de la maison.
C’est un peu ce que je vis dans mon métier
Quand je travaille sur une stratégie éditoriale ou sur les contenus d’un site web, j’ai parfois cette sensation : le message est là… mais il est prisonnier d’une maison mal agencée.
Un texte peut être clair en lui-même, mais devenir illisible parce que :
– la mise en page ne respire pas,
– les titres ne guident pas,
– la navigation est incohérente,
– ou pire : le graphisme ne laisse aucune place au texte.
Et inversement :
Un contenu sans originalité peut devenir captivant parce qu’il s’inscrit et circule dans une structure intelligente, fluide, esthétique, bien pensée.
La forme est une co-création
Ce que j’ai réalisé en parallèle de la lecture de la La Maison des feuilles, c’est que je ne travaille jamais seule. Mes mots prennent sens grâce à un travail d’équipe, à une association vivante et créative de compétences.
Le graphiste qui :
– donne du rythme visuel,
– structure la lecture,
– équilibre les pleins et les vides,
– crée un univers visuel cohérent avec la voix que j’écris.
– Le développeur qui :
– construit les chemins,
– rend les interactions intuitives,
– fait que ce qu’on veut lire est là au bon moment, au bon endroit, sur le bon écran.
Et moi, rédactrice – conceptrice éditoriale, je suis là pour :
– le ton, l’univers de communication,
– la cohérence narrative,
– la hiérarchie des messages,
– la logique de parcours.
Ce triangle-là — contenu, design, développement — c’est la maison digitale qu’on construit. Et si on ne travaille pas ensemble, ce qu’on construit n’est plus une maison… mais un labyrinthe digne de Danielewski.
Ce que je retiens (et que je partage souvent avec mes clients)
– Un bon contenu, mal intégré, n’existe pas.
– Une belle maquette, sans logique de message, désoriente.
– Une navigation mal pensée, c’est une promesse qui s’effondre à la première porte.
Alors avant de produire du contenu, je pose toujours ces questions :
– Où est-ce qu’on veut amener le client ?
– Qu’est-ce qu’on veut qu’il comprenne, ressente, fasse ?
– Et comment l’espace autour du texte va-t-il l’y aider ou l’en empêcher ?
En conclusion : écrire en communication, c’est aussi penser l’espace
Je ne relirai pas de sitôt La Maison des feuilles, je dois digérer cette expérience intense. Mais la leçon que j’en ai tiré renforce ma conviction et mon expérience : la forme est en elle-même un récit.
Le silence entre les mots, la marge, la respiration, la structure… tout fait sens. Et dans un site web, une brochure, une newsletter, c’est pareil. Ce qu’on lit n’est pas seulement ce qui est écrit.
Alors si votre message ne passe pas, posez-vous la question :
Votre contenu est-il dans une maison fluide, ou dans un labyrinthe ?
→ On en parle ? Je travaille en collaboration avec des partenaires designers et développeurs pour créer des projets qui ont du sens.
La Maison des feuilles (titre original en anglais : House of Leaves) est le premier roman de Mark Z. Danielewski, paru en 2000 chez Pantheon Books. En France, le roman est paru en 2002 chez Denoël, puis en 2022 chez Monsieur Toussaint Louverture, dans une traduction de Christophe Claro.